Horizons philosophiques

LIMINAIRE

Le dossier sur la cyberphilosophie a débuté par un appel de communications lancé au début de l'année 95 sur PHILOSOP, dont le serveur (Listserv) situé en Alberta est le premier en Amérique du Nord. Plusieurs textes du corpus sont en fait des réponses à cet appel de communications, venues d'Angleterre, de Taïwan ou de Nouvelle-écosse. Le milieu a lui aussi été sollicité et les contributions de Jean-Claude Guédon et de Jacques Dufresne en font foi.

L'appel de communications fut formulé de la manière la plus large possible: nous sollicitions des communications techniques aussi bien que pratiques, le but étant de favoriser l'intégration de la communauté philosophique au "réseau des réseaux", aussi bien que de "réfléchir" ou de faire réfléchir sur l'Internet. Plusieurs contributeurs évoquent le spectre de McLuhan: "il l'avait bien dit" ( ou "il n'aurait jamais pu le prévoir") et "qu'aurait-il pensé de tout ça?" On s'entend aussi pour parler de passage à une époque nouvelle. Finie l'ère de l'imprimé (les arbres peuvent enfin respirer), fini le livre avec sa mentalité de système et son sujet autoritaire qui pense pour les lecteurs. La nouvelle technologie se caractérise par l'absence d'unilatéralité. Comme le remarque avec beaucoup de justesse Adriano de Palma, les schémas connexionistes gagnent en crédibilité au détriment des modèles cognitifs. Ce n'est plus un sujet qui pense ou plutôt, les individus qui pensent ne le font plus de façon unilatérale. Les interventions scientifiques changent de nature. C'est encore Adriano de Palma qui remarque qu'elles sont souvent brèves et incisives, suivant un modèle qui était resté jusque là presque étranger aux humanités mais qui était courant en sciences.

On peut se demander ce qui change et surtout, si toute cette activité philosophique a un intérêt. Souvent, comme le remarque Stephen Clark, dont la page WWW est une vitrine et un accès direct à la philosophie at large, la qualité laisse à désirer. On est parfois bien loin des normes universitaires. Une recherche sur le mot "iconoclasm" avec le robot de recherche Lycos a donné 70 résultats, dont quelques-uns seulement présentaient un réel intérêt pour l'instigateur de la recherche. On tombait souvent sur des groupes rock ou des illuminés. Ainsi, on peut dire avec Luciano Floridi que chercher quelque chose de précis sur l'Internet, c'est comme chercher une aiguille dans une botte de foin. Mais dans le foin, on trouve parfois de l'or ou des idées nouvelles.

La philosophie sur l'Internet suit un numéro consacré à Annie Leclerc, dont le texte remanié d'une conférence donnée lors de son passage au Collège Édouard-Montpetit est reproduit à la suite du nouveau corpus, laissant une trace de plus à méditer et à repenser. Incidemment, dans cet axe tracé par Annie Leclerc, nous présentons une lecture nouvelle des Lettres persanes de Montesquieu par Elham El Himdy.

Plusieurs personnes ont contribué à l'élaboration de ce corpus et à son accessibilité sur Internet. Outre les auteurs, nous tenons à remercier plus particulièrement Françoise Audebrand, des services informatiques de l'Université de Montréal et Pierre Chicoine, tous deux responsables au Libertel, Michel Gascon, pour la photographie et le développement multi-médias et Danièle Boulet, du service informatique du Collège Édouard-Montpetit.

Claude Gagnon et Josette Lanteigne


Notes

1. Il est premier aux deux sens du terme: le premier serveur à être apparu en philosophie (suivant Stephen Clark) et le premier en Amérique du Nord.

2. Le site Agora s'enrichissait dernièrement d'un moteur de recherche: le Fureteur

3. Il faut cependant reconnaître la justesse de l'argument de J.-C. Guédon, pour qui toute nouvelle époque intègre la précédente, dont les usages ne disparaissent pas mais se retrouvent marginalisés.

4. Tous les textes traduits sont accessibles électroniquement, en version anglaise originale et en version française.